Par de là les nuages ils guettent, le regard farouche et impétueux, le vaste monde de l’en bas. Eux, de ces hautes et vastes sphères célestes, qui sont éloignés des malheurs des hommes. Ils sont hors du temps, hors des soucis perpétuels, hors des peines matérielles qui retiennent l’âme mortelle. Cette âme cherchant à s’élever au même rang que ces entités divines, dotées d’une hauteur d’intelligence qui n’est pas accessible aux habitants de l’en bas.
Le ciel nuageux est un royaume où règnent des êtres de lumières portant des masques d’hommes, ou seraient-ce des hommes ayant revêtu les masques des Divinités fantasmés ?
Ceux qui effrayent les mortels semblent être soumis aux même caprices, mais d’une manière plus obscure, plus extravagante, plus retors. Tel un miroir des vanités, reflétant les défauts de l’humanité à une échelle hautement moins raisonnable.
Que pouvons-nous comprendre des immortels ? Nous qui ne vivons qu’une seule vie, au cours de laquelle nous tentons d’emmagasiner, à grandes peines, les indices des milles et une existence qui nous ont précédées. Toute notre vie nous lisons l’œuvre d’un tel, cherchant les fragments épars de l’existence du défunt afin de reconstruire pièce par pièce son épopée. Cependant nous n’y parvenons jamais entièrement. Une vie est remplie d’éléments si inutiles dont la plupart demeurent inconnus à jamais. Nous mortels, c’est dans la tombe que nous emporterons notre mémoire, ne laissant aucune trace, excepté une fine couche de poussière précédant notre passage. Alors nous essayons de transmettre une part de notre mémoire au vivant, jusqu’à quelques fois modifier l’image que nous laissons au monde. Tandis que d’autres sont démasqués à la suite d’une mort soudaine, laissant échapper les indices d’une histoire teintée de grisaille. Elle deviendra une fable dont les survivants se gaveront à n’en plus finir, la tâchant de leur vice et de leur gaucherie maladive. Ils rendront tout abject au nom de la sainte et illustre morale public : nous sommes nés à l’ère des procès de masses. Je m’égare...
Si nous peinons à écrire l’histoire des hommes, comment retranscrire dignement celle d’un immortel ? Car lui-même n’aurait-il pas fini, à force, par oublier les fils de sa propre mémoire ? Lui qui fut le seul et unique témoin de son inexorable existence, sans fin. Ont-ils eux aussi fini par oublier, ces dieux perdus dans les nuages ? Sont-ils devenus des anges en négligeant leurs origines divines, voire titanesques ? Peut-être que ces êtres changent de visage au rythme des croyances des hommes. Ils restent invisibles à nos yeux même si nous avons réussi à percer la barrière de nuage les enveloppant. Nous avons troué cette cage céleste pour nous perdre dans l’infiniment grand de l’espace. Malgré cette prouesse, jamais ils ne semblent nous être apparus.
Enfin, pour ceux ne croyant qu’à travers leurs yeux. Pour les autres voyant au-delà, l’histoire ne sera pas la même. On voit ce qui est invisible avec notre cœur, ce sont les yeux du poète. Du moins c’est ce que j’aime croire, à mes heures perdues.
À force de lever ma tête bien haut au milieu des nuages, je finis par chuter de plain-pied dans la réalité, avec brutalité. Si vous tardez trop le regard en l’air, en oubliant le monde sensible, celui-ci viendra toujours ramener votre insoutenable attention vers lui. Ce monde égoïste ne supporte pas lorsque notre entière attention lui échappe, alors il nous force continuellement à revenir. Il nous chasse de nos rêves, nous empêche d’errer trop longtemps hors du monde, hors du temps. Pourtant il ne peut refréner l’envie de voir par-de-là lui. Prisonniers de ses bras empoisonnés, enchaînés à la terre, loin du ciel, vous pleurez. Car deviner sans toucher est bien la pire des punitions que ce monde narcissique a pu nous offrir.
Ce don donné par ces dieux, anges ou apparitions, deviendra une lame qui restera pour toujours sous votre gorge. Tous les jours, tandis que vos yeux désirent voyager par-dessus les frontières du réel, au moment où ces mirages se montreront à vous, le fer froid de cette lame fera frémir votre peau. Vous frissonnez, mais vous vivez avec elle depuis temps d’années qu’elle est devenue votre compagne de route. D’autres n’ayant pas survécu à sa terreur auront rejoins l’autre côté de la ligne depuis longtemps.
Combien de temps tiendrez-vous ?
Je n’ai pas encore trouvé ma réponse, je puis cependant vous dire qu’aujourd’hui le ciel était si beau que j’en ai pleuré.
Très joli texte qui m'a ramené à mes propres questionnements autour de la divinité, de l'immortalité et de la mémoire des ces éventuels immortels. C'est une nouvelle fois très joliment mis en scène dans tes phrases. J'aime le lyrisme qui s'en dégage, c'est quelque chose dont je suis toujours friand.
La dernière phrase sonne comme une délivrance, une catharsis par les larmes malgré le poids de l'ignorance :).
Merci pour ce partage :).
Merci ! Celui-ci m'a pris plus de temps, je suis contente qu'il te plaise :)
J'adore la mythologie et surtout la question de la mémoire, alors j'aime toujours me questionner sur comment chacun la pratique voire la perçoit...
Ah ! J'avais peur que la dernière phrase soit trop triste justement, je n'aime pas trop finir sur une note trop négative, tic personnelle ^^'
Merci à toi !
Acantha