Prélude
« Il est temps de laisser le bon vouloir des choses s’écouler pour les remettre à leur place légitime. Toutefois, il ne faut pas qu'elles nous submergent, ni attendre trop longtemps avant de passer à la phase suivante. Souvent nous laissons la maturation de nos idées bouillir plus qu’il n’est nécessaire. Certaines idées sont favorables à une longue rétrospective, d’autres néanmoins devront être balayés sur le champ. Méditons ce soir, une fois encore, au bon vouloir du rythme de la lune, seule maîtresse de mes désirs les plus enfouies. »
Acte I
Un carré de lumière étendait ses files sur le parquet vernis. La porte s’était entrouverte pour me laisser deviner cette apparition nocturne. Un jet argenté qui s’amuïssait jusqu’à mes pieds nus. Ce soir il fait encore froid. Mes yeux sont depuis longtemps fatigués, je n’arrive plus à distinguer cette lumière aussi nettement qu’autrefois. Oui, cet autrefois, cet espace-temps inconnu oublié de tous, par-de-là la brise fraîche du soir. Allons, oublions le froid pour accourir vers cette lumière posthume. Chaque soir je me persuade que je vaincrais le gèle et l’immobilité pour enfin réussir à l’atteindre.
Mais, une nouvelle fois mes membres se sont statufiés et je reste au fond de cette chaise glacée qui m’enchaîne à la terre. Mes bras se figent le long de mon corps, dans une sorte de rigidité cadavérique étouffante. Je ne peux pas m’envoler comme les autres. Je voudrais les rejoindre vers cet ailleurs si doux et si chaud. Je voudrais temps sortir d’ici, voler avec eux, loin, si loin de ce faible carré de lumiére.
Pas ce soir n’est-ce pas ? Très bien. Je vais rester immobile encré sur cette chaise, sans que mes pieds puissent se mouvoir. Ils ne touchent plus le sol depuis longtemps, cela aussi je l’avais oublié.
Pas de larmes, non, juste l’étincelle du soir qui disparaît au coin de la fenêtre. À demain ?
Acte II
La pâleur du croissant nocturne se découpait au ras de l’eau obscure. Pas une seule vague ne venait ternir son reflet idyllique, une beauté au teint parfait, encadré par la chevelure ténébreuse de la nuit. Telle un mystérieux portrait de femme au goût des poussiéreuses vanités de la Renaissance. Le médaillon était si beau qu’il venait chaque soir l’admirer sous tous ses aspects. Jamais elle n’était la même, chaque nuit un nouveau profile venait épouser la quiétude de ce lac. L’eau remuait à peine, aussi lisse qu’un bout de verre polie par la mer. L’homme demeurait debout pendant un court instant, un instant limpide qu’il grava dans sa vaste mémoire.
Car, aujourd’hui il pouvait toujours décrire chacune de ces soirées fantasques, il me les a toutes racontés et ce jusqu’à son dernier souffle. Je ne suis que son humble dépositaire.
Acte III
Le silence possède plusieurs visages. Certains sont aussi doux qu’accueillants, ils apportent la tranquillité à tous ceux qui acceptent de les revêtir. Quant à d’autres, ils sont teintés de couleurs plus obscures. Ils engloutissent toutes paroles, tous regards échangés par mégarde au carrefour du hasard. Il y a les visages non désirés qui n’apparaissent que selon le bon vouloir de leur caprice. Tous entre eux dansent la même mascarade chaque nuit, sous les reflets de la lune aux creux des arbres mauves, au son d’un vieux vinyle déraillé.
Dansez, dansez ô masque de mes songes ! Acceptez-moi dans votre cercle de sages, que je connaisse tous les secrets de l’humeur des âmes solitaires ! Ne m’abandonnez pas au silence, cette horrible et infâme aphasie..
Si le silence possédait une odeur, j’aimerais qu’il sente le lilas. Pourtant il n’a pas d’odeur, c’est bien une de ses particularités les plus ennuyeuses. Le silence nourrit pourtant la réflexion oisive. Mais à cette heure, la quiétude de la nuit prit ma tête de venir se lover sur l’oreiller. À la prochaine lune.
Acte IV
Au creux d’un livre j’ai glissé une feuille jaune. Celle-ci n’était marquée d’aucune tache de son, elle repose sur les lignes de mon livre dans une totale harmonie. Lorsque je l’ouvre à la tombée du jour, aux premières lueurs du crépuscule, je peux encore distinguer la brise du matin avec son doux ciel orangé. L’aube aux doigts de rose sent la fraîche rosée, balayant tous les soucie du sommeil agité. Eux qui continuent de se morfondre au creux de cette boîte trop plaine. Ce talisman doré me permet de me souvenir qu’elles finiront toujours par disparaître. Il est dur de vivre sans regret tout en essayant d’éviter la vague nous submergeant de son eau poissonneuse. Après la grande tasse, l’aube dorée émergera des profondeurs de la mer. Elle ne durera qu’un instant, mais il restera inoubliable.
Final
« Toc, toc, vous êtes là ? Bravo, que dis-je, malheureux ou malheureuses ! Veillez si tard, à la lumière de la bougie, à lire de pareils lignes !? N’avez-vous pas honte de fouler ainsi la pensée d’autrui ? De mettre votre nez dans ses affaires tachées d’encre ! Non… ? »
Silence, la figure se déplace seule dans le noir
« Étrange, étrange humain que celui-là. Il ne bouge pas, il reste là, l’œil agars, la bouche béante. Tu ne te nourris que de mots ? Bizarre, bizarre créature. Soit rassasiée de ce maigre repas, qui ne sont même pas des vers ! Et reviens donc, si tu en as le courage, à la prochaine lune. Une autre scène s’y jouera. »
Salue, puis disparais de la même manière qu’il est apparu
Tu nous proposes là effectivement quelque chose de beaucoup plus expérimentale que d'habitude, c'était très intéressant à lire :). J'avais commencé à noter des choses, puis je me suis rendu compte que c'était volontaire pour des répétitions ou des orthographes servant le jeu de mots.
Pour ma part j'ai eu un tout petit peu de mal avec les deux premiers actes. Je ne saurais pas dire pourquoi exactement. Peut-être le rythme. En revanche à partir de l'acte III j'étais beaucoup plus confortable et j'ai été très heureux de retrouver des termes d'Homère dont l'aube aux doigts de rose et la mer poissonneuse :). Il y en a peut-être d'autres, mais c'est ceux-là qui m'ont fait tiquer ^^.
J'aime beaucoup la fin qui est toute en bizarrerie et interpellation.
En bref, c'est toujours une belle découverte de s'aventurer dans ton monde onirique !
Alors ce sont des textes que j'ai écrit il y a un petit moment car un autre est en préparation et j'attend une relecture...
Mais si tu me dis que les deux premiers actes sont difficiles à lire cela me pose problème tout de même...
Le premier, moi-même je ne me souviens plus de ce qui se passé dans ma tête. Pour le deuxième, il est très représentatif de ce que j'écrivais avant ^^' A une époque ou j'essayer de m'imiter les poètes romantiques pour améliorer mon style (surtout Baudelaire, j'avoues) et où je lisait beaucoup de romans fantastiques anglais du XIXème. Et nous étudions aussi Homère à l'époque... Bref c'était une époque de recherche stylistique et ceux-ci étaient les plus lisibles, j'essaierais de les retravailler d'avantage dans ce cas ! C'est très récent que mes textes soient mieux au niveau du rythme, j'avais une écriture très labyrinther jusqu'à lors.
Heureuse tout de même que la fin tes plus ^^
Je travaillerais plus à réécrire mes vieux textes...
Merci encore pour tes retours !
Ps : Je voudrais tout de même savoir qu'elles étaient tes notes, car surement que les fautes n'étaient pas voulue...enfin si tu as le temps !
C'est intéressant d'avoir tout le contexte derrière !
Du coup, j'ai relu pour retrouver ce que j'avais noté. Au passage, j'ai vu des petites coquilles que je n'avais pas vu en première lecture. Comme quoi, c'était le destin !
L'ensemble de mes notes du coup :
La répétition de laisser dans le prélude
"Car, aujourd’hui il pouvait toujours d’écrire chacune de ces soirées fantasques"
Dans l'acte II, d'écrire ?
"Je vais rester immobile ancré sur cette chaise"
Je me demandais si il n'y avait un jeu de mots à faire avec ancré/encré ici.
"Ils engloutissent toutes paroles, tous regards échanger par mégarde au carrefour du hasard."
échangés (Je viens de la voir à la relecture cette petite faute :))
"Celle-ci n’était marquée d’aucune tache de son, elle repose sur les lignes de mon livre dans une totale harmonie."
Ici je trouve qu'il y a un effet entre son et harmonie, bien que son est tout autre définition dans le contexte.
"Soit rassasié"
rassasiée puisque créature derrière.
A bientôt :)