Limite

Chris rejoignait la sortie des limbes pour retrouver ses collègues quand son regard accrocha quelque chose sur le chemin. Un symbole. Un signe gravé non pas dans le cristal, mais dans la roche en dessous. Elle le prit en photo, le cœur battant. Aux premiers jours de ses recherches solitaires, elle avait laissé pas mal de repères sur les murs, mais sur la surface translucide, seulement. Et pas celui-là. Elle cassa la couche superficielle pour mieux voir. C’était un petit triangle avec un point d’exclamation à l’intérieur. 

— Danger, murmura-t-elle. 

Elle s’écarta aussitôt pour observer les couloirs autour d’elle. Elle sentit la peur se diffuser dans ses veines. Elle se dépêcha de rejoindre les explorateurs. Elle entendit l’un d’eux crier. Non…  

— Didier ! Didier !!

Elle serra des dents et commença à fouiller des environs. 

— C’est la fin du chrono ! Didier ! Bouge-toi !

Chris passa en revue tous les couloirs, suivant méthodiquement tous les chemins qu’aurait pu emprunter le disparu. Puis tout à coup, elle l’entendit. Loin, trop loin. Elle se mit à courir droit devant elle de toutes ses forces. Une alarme dans sa tête lui rappela qu’elle n’avait plus le temps, qu’elle s’enfonçait trop profondément. Les portes allaient se refermer, il fallait qu’elle retourne sur ses pas, qu’elle sorte, qu’elle sorte maintenant. Elle jura et fila plus vite encore. Elle le découvrit, au loin, qui se précipitait dans la mauvaise direction. Elle tira sur lui avec son grappin qui se planta dans le sac de l’explorateur et elle l’attira avec toute la violence du mécanisme. Plus le temps, elle n’avait plus le temps. Le grappin emporta Sam et lui fit percuter un mur, elle le vit s’affaisser. Non ! 

Elle ne réfléchit pas et se mit à courir pour rejoindre le portail. C’était trop tard, trop tard… 

Apercevant la sortie, elle tira à nouveau avec son grappin tout juste rembobiné. L’homme fut projeté pour la seconde fois, droit dans la faille. Autour d’elle, le bruit était assourdissant. Les limbes semblaient s’effondrer sur elles-mêmes. Les cristaux se fissuraient. Le portail était en train d’exploser, elle se jeta à travers quand même, les mains devant son visage pour le protéger des éclats. L’un d’eux lui râpa l’épaule, d’autres se fichèrent dans ses gants, dans son crâne. Elle sentit le froid et l’air l’entourer à nouveau tandis que des morceaux tranchants lacéraient son armure. Le grappin n’était pas encore prêt. Elle chuta et heurta brutalement le sol. Quand elle releva la tête, elle vit les membres de la Brigade réunis un peu plus loin autour de Sam. Elle roula sur le côté pour se dissimuler derrière l’angle d’une maison et ferma les yeux, à deux doigts de tomber dans les pommes. Elle avait tellement mal qu’elle peinait à rester consciente. Plus moyen de bouger, elle ne voyait plus rien. Il fallait qu’elle tienne, qu’elle se mette à l’abri. Le monde tournait. Elle sentit qu’elle lâchait prise.