Mal tombés

Chris eut un mouvement de recul. Camille la percuta, pris au dépourvu par son geste brusque et la poussa en avant. Elle se retrouva au milieu d’une pièce bondée où la Brigade au grand complet semblait célébrer quelque chose. Déjà, le chef se tournait vers elle, une pinte de bière dans une main.

— Quelle bonne surprise, regardez qui est venu fêter votre première sortie en enfer !

À côté de lui, deux brigadiers la saluèrent. Elle reconnut le premier à sa stature, c’était le grand noir chauve qu’elle avait vu dans les limbes, Didier. L’autre, elle ne l’avait pas vraiment observé, il lui semblait qu’il avait toujours fait partie de la Brigade sans jamais s’illustrer, un homme du genre petit et pas vraiment sportif, qu’on appelait Sam. Tous les deux levèrent une chope de quelque chose qui ressemblait plus à de la limonade qu’à de la bière.

— Chris, continua-t-il. Je te présente Sam et Didier, tes remplaçants !

— Alors ça y est ? s’exclama Camille d’un air faussement enjoué. Vous avez été rapides !

Si même Chris se rendait compte à quel point il était crispé, c’était que tout le monde allait comprendre qu’ils cachaient un truc. Et pourquoi pas un sac rempli de minerais des limbes ? Qui plus est dans un sac de la Brigade…

— Comment ça s’est passé ?

— Comme sur des roulettes ! assura Samuel qui lui, avait l’air d’avoir droit à l’alcool. J’ai des vidéos plus intéressantes que d’habitude à t’envoyer, tu vas voir.

Samuel, responsable du matériel et bricolo de service.

— Trois ans avant de réussir à remonter une équipe, approuva le chef avec un petit hochement de tête satisfait. Ça n’a pas été une mince affaire.

Il tourna son regard vers Chris qui le soutint.

— C’est du favoritisme, dit-elle. Tony et moi on n’a jamais eu le droit à notre tournée.

— Tony, si… pas toi, c’est vrai, admit-il. Il te manquait un ou deux ans avant de pouvoir entrer dans un bar. Mais c’est peut-être le moment d’arranger ça !

— Une autre fois, merci.

Elle avait les épaules raides, son sac lui semblait peser des tonnes et au milieu de tout ce monde, il était douloureusement encombrant. Il fallait qu’ils se cassent, et vite.

— Bon courage à vous deux. J’espère que ça vous réussira, conclut-elle en tournant les talons.

— Merci, répondit le plus grand des deux, Sam.

— Vous partez déjà ?

Chris avala sa salive avec difficulté. Strada venait d’enrouler un bras autour des épaules. Le poids du sac plus celui de la poigne commençait à la faire transpirer abondamment.

— Tu imagines, dit-il avec un petit rire. Trois ans que tu gâches ta vie, ma fille. Reprends-toi, relève la tête et passe à autre chose. Hop pop pop… n’essaie pas de te défiler comme ça !

Il venait de la retenir par l’épaule alors qu’elle tentait une dérobade. Il la tenait désormais par la sangle de son sac à dos. Elle en avait le souffle coupé.

— Vous allez rester et fêter l’occasion avec nous !

— C’est gentil, mais…

— Franchement, là, on a à faire, assura Camille.

— J’ai assez bu pour aujourd’hui, ajouta Chris.

— On va rentrer.

— Mauviette.

Elle se crispa, mais fit comme si elle n’avait rien entendu. Tous leurs efforts étaient inutiles, Strada n’était pas décidé à les laisser partir.

— Chef, ça suffit, intervint Lolita en se rapprochant d’eux. Vous allez regretter vos paroles.

Elle jeta un regard gêné à Camille et essaya de s’interposer en vain.

— Assieds-toi là et vide donc un verre de plus avec nous, l’ignora Strada.

Il tira sur la bretelle du sac, l’arracha de son épaule et le laissa tomber par terre. Chris se raidit en entendant claquer le bruit de son contenu. Personne d’autre que Camille et elle ne semblaient s’en être rendu compte. Camille était blême et se sentait mal. Elle lui sourit en se voulant rassurante, mais elle était tellement crispée qu’elle ne parvint qu’à l’effrayer davantage.

— Qu’ils sont coincés ces deux-là. Une bière pour le bleu et une pour la loque de cette ville, Layla !

— La loque ? s’insurgea Layla qui apportait déjà les boissons.

— La loque, approuva le chef d’un air mauvais. Une défaite et ça y est, la gosse est par terre à pleurer et elle ne se relève pas.

Chris se crispa encore plus, mais cette fois de colère. Camille lui posa une main dans le dos pour la calmer. Ne pas réagir. Faire profil bas. Il fallait qu’ils sortent d’ici.

— Tu as décidé de régler tes comptes avec moi maintenant ? demanda Chris venimeuse. Tu es sûr que c’est le bon moment ? Ça te fait rien de gâcher la petite fête de l’équipe ? De m’insulter alors que tu as eu besoin de trois ans pour me remplacer ? Qu’est-ce que t’as foutu pendant tout ce temps ?

— Ah, tu veux me provoquer, ricana le chef tout content. Bien, très bien. Viens combattre avec nous. Plutôt que de te planquer avec les civiles, à la prochaine éruption, ramène tes fesses là où apparaitra le couloir et montre-nous donc ce que tu sais encore faire.

Elle entrevit un vague moyen de le déstabiliser, elle saisit l’occasion au vol.

— Je serai bien trop occupée à pleurer comme la femme que je suis ? attaqua-t-elle. Comment je pourrais travailler avec un tel macho ? Tu me fais pitié.

Il ouvrit la bouche, vexé.

— Voyons, je ne disais pas ça comme…  

Elle souleva son sac d’un geste presque naturel pour le remettre sur son dos avec juste ce qu’il fallait de désinvolture et se tourna vers la porte.

Elle fit signe à Camille. Ils avaient une bonne raison de partir. Ils devaient la saisir. Au moment où ils sortaient, Serge les arrêta.

— T’as l’air chargée… Il y a quoi dans ton sac ?

— Bon sang, Serge, gronda Lolita.

Chris se figea et se retourna lentement, prête à se battre.

— Ça te regarde ? demanda-t-elle d’un ton qu’elle voulut assuré.

— C’est marrant, cette forme, on aurait presque dit une arme, remarqua Strada d’une voix dangereuse. Ou un grappin ?

— Tout ce qu’il pourrait y avoir dans mon sac est une arme si je te la casse sur le crâne.

Elle bouscula Serge puis la porte du bar et sortit enfin, soulagée.

Camille se dépêcha de suivre Chris et soupira pour chasser le stress.

— On a un peu paniqué, fit-il en la rejoignant.

— Mais non, ironisa-t-elle.

— C’était un coup de malchance.

— C’est ça.

Son ton était égal, mais elle était furieuse.

— C’est mort pour Layla. Je vais laisser ça dans un coin, elle se débrouillera avec.

— C’est plus prudent, acquiesça-t-il.

— Ça commence à sentir vraiment mauvais, murmura-t-elle.

Il était bien d’accord.

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Raza
Posté le 15/06/2025
Arf, presque! Une fête de la brigade, bien entendu! Bon, je ne suis pas sûr de bien saisir les relations entre Strada et Chris, mais bon, est ce grave ?
Je me rends compte ici que j'ai du mal à visualiser combien de gens sont dans la brigade. Je comprends que tu ne pourrais pas présenter tout le monde, mais peut être si tu découpais en "fonctions", ça aiderait de se faire un idée du nombre ?
J'ai trouvé la remarque de Serge un peu trop poussée par la narration, mais ce n'est que mon avis ! ^^'
À bientôt <3
Solamades
Posté le 16/06/2025
Salut ! 
Pour la brigade, c’est vrai, j’en ai pas beaucoup parlé.
Pour Chris et Strada… ça viendra. C’est même au cœur du problème, quelque part.
Pour être tout à fait honnête, j’ai un mauvais feeling sur ce chapitre. Je le trouve… désagréable. Je l’ai énormément lissé, mais pfff… Serge fait sans doute aussi parti du problème. Bref, je vais revoir tout ça.
Merci pour ton retour ! 
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