Rencontre avec Erïka - 4ème dose

Marwan, quelle heure est-il ? » Demanda-t-elle à un serveur qui, depuis son arrivée, était resté cloîtré dans un coin de la terrasse, à hauteur du bar et de la baie vitrée.

 

« 21h21 madame. »

 

« Une heure qui invite à la réussite. Contacte tous nos meilleurs clients, annonce-leur que c’est soirée open-bar à la « Vida loca » et fais-leur savoir qu’ils disposent de dix invitations. Engage ensuite un DJ et place déjà notre meilleur barman derrière le comptoir. » 

 

« Bien, ce sera tout madame ? »

 

« Amène-moi une bouteille de notre meilleur champagne, et un verre de Martini dry. Ajouta-t-elle sourire aux lèvres, en me fixant droit dans les yeux. 

 

« … Alors comme ça c’est ton restaurant. »

 

« Et mon hôtel aussi. J’en possède un dans chacune des villes où je dispose d’un pied-à-terre. »

 

« Et ça t’en fait combien ? »

 

« Sept. Londres, Marseille, Porto, Berlin, Milan, Tokyo, Kinshasa. »

 

« Kinshasa ! Une destination atypique pour une européenne. Aurais-je affaire à une amoureuse de l’Afrique ? »

 

« L’Afrique ne se résume pas au Congo Patou… Et pour te répondre, j’aime le chaos organisé qui règne dans cette ville. »

 

« Le Congo n’est peut-être pas l’Afrique mais il en constitue néanmoins un bon condensé. Je sais de quoi je parle, j’y ai moi-même passé une bonne partie de mon enfance. »

 

« Raison de plus pour éviter la synecdoque… »

 

« La quoi ? »

 

« La synecdoque, figure de style qui consiste à prendre la partie pour le tout. »

 

« Déformation européenne, que veux-tu… »

 

« Simplement que tu t’en rendes compte… Donc tu as grandi au Congo. » Rebondit-elle en se mettant à m’effleurer la main de ses doigts fins. « C’est de là que doit provenir ce naturel si… artistique, frivole et… sensuel à la fois. » 

 

« Tu vas finir par me faire rougir. »

 

« Déjà ! J’espère qu’il ne t’en faut pas si peu pour jouir. » M’asséna-t-elle en remontant son pied nu le long de ma jambe avant de l’immobiliser en l’appuyant sur mon faiseur d’héritier. 

 

« … Eh bien, tu ne dis plus rien… »

 

« C’est que je ne sais pas trop quoi dire… Je n’ai pas souvent l’habitude de me faire allumer de la sorte. Comment réagirais-tu toi à ma place ? »

 

« Mais je ne suis pas à ta place Patou… »

 

« Tu peux tout de même imaginer la réaction que tu aurais si un homme que tu venais à peine de rencontrer s’autorisait à te palper les parties intimes ? »

 

« Et si je te disais que chaque interaction n’est au final que la manifestation d’une forme singulière dont le fond renvoie indubitablement à l’inextricable relation entre le prédateur et sa proie, comprendrais-tu mieux la raison pour laquelle je ne peux me mettre à ta place ? »

 

« …Un peu radical comme point de vue. C’est oublié que le prédateur peut à son tour devenir la proie. »

 

« Pas lorsqu’il se tient au sommet. »

 

« Et comment sais-tu que tu t’y trouves ? »

 

« Je le lis dans tes yeux, comme je l’entendrais de la part d’un miroir qui ne cesserait de me dire que je suis la plus belle. » Me répondit-elle en se penchant légèrement, sa délicieuse bouche presqu’à portée de lèvres, son insoutenable regard ancré dans le mien. « … Dis-moi, as-tu déjà mangé ? » Ricocha-t-elle au bout d’un léger silence tandis qu’ébranlé par tant d’intensité, je m’étais mis à faire mine de regarder un couple s’attabler. 

 

« Non, pas encore. » 

 

« Avec ce que je t’ai donné, il vaudrait mieux que tu aies quelque chose dans le ventre. Que souhaites-tu manger ? Je t'invite. »

 

« Tu sembles avoir du goût, je partirai donc sur le même plat que toi. »

 

« Je doute que nous apprécions la même nourriture Patou… »

 

« Je ne suis pas difficile. »

 

« Dans ce cas, que dirais-tu d’un trio d’asperges en sauce blanche ? »

 

« C’est… C’est original, mais quelque peu léger, tu ne trouves pas ? »

 

« Tout dépend de la longueur des asperges… »

 

« … Tu n’arrêtes jamais ? »

 

« Je préfère laisser ce choix aux autres. Souhaites-tu qu’on en reste là ? »

 

« Non ! Non, surtout pas. J’ai juste du mal à savoir si je dois te prendre au sérieux ou à la rigolade. » 

 

« Prends-moi juste à ta façon Patou. » Me lança-t-elle d’un air qui n’appuya que trop bien toute l’ambiguïté de son propos au moment où Marwan revint à notre table.

 

« Votre bouteille de champagne Madame. Et pour Monsieur, un verre de Martini Dry. » 

 

« Merci Marwan. Où en sont les préparatifs ? »

 

« Tout est sous contrôle. Plusieurs clients ont d’ailleurs déjà répondu présents. »

 

« Bonne nouvelle. Nous allons commander à manger. »

 

« Je vous écoute. »

 

« Deux trios d’asperges en sauce blanche s’il te plait. »

 

« C’est noté. Autre chose ? »

 

« … Eh bien Patou, ne trouvais-tu pas ce plat trop léger ? »

 

« S..Si, mais… je ne sais pas si… »

 

« Décidément, il semble qu’il y ait beaucoup de choses que tu ne saches pas. » Me coupa-t-elle d’un air narquois. « Sur quel pied danser. Trop quoi me dire. Me prendre au sérieux ou à la rigolade. Rassure-toi, tout ce que tu consommes ce soir est pour moi.

 

« C…Ce n’est pas une question d’argent, je ne voulais juste pas paraître outrancier. »

 

« Outrancier ? Le mot est fort… Détends-toi Patou, « Mi casa es tu casa ». Tu es ici comme chez toi, fais-toi plaisir. »

 

« Je te remercie… Dans ce cas je prendrai… « Hésitais-je un instant en consultant la carte. » Le homard bleu cuit à la nage et asperges vertes du Rhône, pour rester dans le thème. »

 

« C’est noté monsieur. Puis-je vous suggérer un vin pour agrémenter ce plat ? »

 

« Si madame m’accompagne, volontiers. »

 

« Je suis au champagne, mais ne te prive pas pour moi Patou. »

 

« Bien, que me proposez-vous Marwan ?  »

 

« Un Chablis Grand-Cru Vaudésir 2021, domaine des Malandes. Blanc de Bourgogne dévoilant au nez des notes de coings et de pêches mûres, d’amandes grillées et d’agrumes confits avec une minéralité iodée typique du terroir chablisien. »

 

« Ce sera parfait, mais juste un verre s’il vous plait. » 

 

« Apporte-nous toute la bouteille Marwan et dis au chef de faire vite. Je suis affamée, et j’aimerais en outre être disponible pour accueillir nos convives. »

 

« Nous ferons au plus vite madame. » Dit-il en se courbant légèrement avant de s’en retourner vers la baie vitrée qui séparait la terrasse du restaurant. 

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