Rencontre avec Erïka - 5ème dose

« Du homard. Eh bien, tu as des goûts de luxe…  »

 

« Je ne proviens peut-être pas d’une famille aussi fortunée que la tienne mais je n’ai toutefois jamais eu à me plaindre de mon niveau de vie. »

 

« Et qu’est-ce qui t’amène à penser que je proviens d’une famille fortunée ? »

 

« Ce restaurant, tes hôtels, tes manières… »

 

« Mes manières ? Dis-moi Patou, me prendrais-tu pour l’une de ces petites pétasses narcissiques qui profitent du fric de leurs parents pour assouvir la moindre de leur lubie ? » M’assena-t-elle sans crier gare, d’un air direct, presque menaçant, tout en faisant pivoter son index sur le dos de ma main, le regard fixe, un coude sur la table, son menton enfoui dans le creux de sa paume.

 

« Pétasse narcissique ne serait pas le terme que j’utiliserais… »

 

« Mais je te fais penser à l’une de ces petites garces, c’est ça ? » Me reprit-elle en immobilisant cette fois-ci son index.

 

« P...Plus ou moins… »

 

« … Tu commences à te montrer sincère Patou, j’aime ça. « M’avoua-t-elle un bout d’un léger silence. « Je proviens effectivement d’une famille fortunée mais mon patrimoine, je ne le dois qu’à moi, ou plutôt à l’héritage que m’a légué mon défunt mari. »

 

« Ah merde ! Je suis désolé. Je n’aurais jamais pensé que tu étais veuve. »

 

« Inutile de t’excuser Patou, ce n’était pas un mariage d’amour. En bon sociologue que tu es, je suis d’ailleurs sûre que tu as déjà une idée du genre d’hommes que j’ai épousé… »

 

« … Un vieillard sénile blindé aux as qui n’en avait plus pour longtemps à vivre ? »

 

« Vieillard et blindé aux as oui, mais si ce n’est une incapacité à bander ayant éveillé chez lui un gout fort prononcé pour la stimulation prostatique, il était cependant très loin d’être sénile. Nous nous sommes mariés alors que je n’avais que vingt-trois ans, lui en avait septante-sept, j’étais sa quatrième femme et comme il n’avait eu que des filles avec les précédentes, en bon patriarche, il se sentit le devoir d’essayer une dernière fois de donner naissance à un héritier mâle. Il suivit alors un traitement qui lui redonna un semblant de virilité, mais malheureusement pour lui, et heureusement pour moi, il fit un arrêt cardiaque au cours de notre première partie de jambe en l’air, ou du moins de ce qui s’en rapprocha presque. »

 

« Comme quoi, on ne peut pas tout avoir… »

 

« Tu m’ôtes les mots de la bouche Patou. J’aurais apprécié que ses filles puissent faire preuve d’un tel discernement… »

 

« Pourquoi cela ? »

 

« Car non contentes de la somme que je consentis à leur laisser, il leur apparut judicieux de me poursuivre en justice pour meurtre avec préméditation. »

 

« Apparemment elles n’ont pas eu gain de cause… »

 

« Loin de là. Toutes m’ont versé une somme considérable après que je les eusse à mon tour poursuivies pour diffamation. En fin de compte, je n’aurais jamais pu rêver meilleur investissement. Mais assez parlé de moi. Dis-moi plutôt ce qui t’amène à Marseille ? »

 

« Je suis venu y voir un styliste intéressé par mes chapeaux. Ted Mata, ça te dit quelque chose ? »

 

« Difficile de passer à côté d’un tel nom pour ceux qui apprécient la mode. C’est un de mes bons contacts sur Marseille. Le connaissant, il sera ravi de se joindre à nous. »

 

« Ah bon, tu crois ? »

 

« Sans aucun doute, c’est une vraie folle. D’ailleurs, si tu veux mon avis, c’est probablement plus par ton joli minois que par tes chapeaux qu’il est intéressé. »

 

« Bonne nouvelle, je n’aurai donc pas à engager de modèles pour les lui faire apprécier davantage. » 

 

« Si tu l’abordes sous cet angle, je doute que servir de modèle lui suffira. »

 

« La réussite mérite bien quelques sacrifices... »

 

« Ce n’est pas moi qui te dirai le contraire mais tu n’auras peut-être pas besoin d’en arriver jusque-là car, vois-tu, j’ai une petite proposition à te faire. »

 

« Je t’écoute… »

 

« Je souhaiterais que cette nuit, au cours de notre petite sauterie, tu filmes les corps entremêlés de mes convives, et qu’avec ta touche si particulière, tu immortalises cet instant en me prenant en photo avec l’un de tes chapeaux. »

 

« C’est tout ? »

 

« C’est tout Patou. Enfin, note que cela impliquera de ta part de n’être que spectateur. Il te sera formellement interdit de participer. »

 

« Ce devrait être dans mes cordes mais… qu’en est-il de cette phrase, ou plutôt de ce désir, que tu as formulé en venant t’asseoir à ma table ? » 

 

« Ne t’inquiète pas Patou, ton tour viendra. Pour l’heure, il m’importe que tous tes sens soient entièrement voués à la tâche que j’attends de toi, ce qui, avec la substance que je t’ai donnée, ne devrait pas te demander trop d’efforts… »

 

« Et qu’aurai-je à y gagner en retour ? »

 

« La force de persuasion de mon capital financier et le soutien inconditionnel de mon réseau social. »

 

« … Bien, marché conclu. »

 

« Ravie de te l’entendre dire. Une dernière exigence : Rien ne devra fuiter sur les réseaux sociaux. Tu laisseras donc ton téléphone à mon majordome et n’utiliseras que l’appareil qu’il te remettra. »

 

« J’en viendrais presqu’à croire que tu avais déjà tout prévu à l’avance… »

 

Ce à quoi elle me répondit par un léger sourire avant de se lever en me faisant savoir qu’elle avait un coup de fil à passer. 

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Débora-Esther
Posté le 11/12/2023
Hello Thibaud,
J’ai bien aimé en apprendre plus sur Erika! 😉 Quelle femme intrigante! Haha
Toutefois j’ai deux petites remarques à faire. ^^
Pourquoi utiliser uniquement le surnom Patou? Perso je trouve presque que cela sonne faux dans la bouche d’Erika. Car elle a un petit côté distingué. Mais après ce n’est que mon avis personnel! 🙂

Par contre maintenant je visualise beaucoup mieux, grâce à la narration entre les dialogues. 👍🏻
Apres il y a juste au début de ton chapitre où je me suis demandé qui parlé. ^^

Bonne séance d’écriture à toi et à bientôt! 😊
Ps: je ne te l’ai pas dis jusqu’à présent mais j’aime bien l’intitulé de tes chapitres, ‘dose ‘ 😁
Orögo_89
Posté le 11/12/2023
Bonjour Débora-Esther, et merci pour ton retour.

Personnellement, je vois davantage l'usage récurrent du surnom "Patou" par Erïka comme une manière toute bourgeoise qu'elle a de lui montrer sa supériorité, c-à-d de s'octroyer toutes les largesses de l'appeler par son surnom alors qu'elle le connaît à peine, comme une manière pour elle de s'en moquer. Le surnom "Patou" en lui-même sonne aussi quelque peu beauf... et elle s'en amuse.

Cool pour l'appellation "dose". J'hésitais au départ. Merci !
Débora-Esther
Posté le 11/12/2023
Ok je vois merci pour ton explication et effectivement maintenant je ne trouve plus cela si dérangeant! 😉
Et oui pour les fameux « dose » je trouve que c’est une bonne idée car cela correspond bien à l’histoire et puis je trouve que ça donne envie de lire la suite rien qu’avec le titre du chapitre!
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