Sale état

Les cristaux fusaient dans tous les sens. Au milieu, un corps chuta droit vers le sol. 

— Chris ! haleta Camille. 

Il sortit du bar et s’élança dans sa direction. 

— Putain Chris… 

— C’est bon ! jubila Layla. C’est bon, il décroche ! 

Il l’entendit à peine tandis qu’il donnait toutes ses forces dans une course effrénée vers elle. Il s’arrêta net à une rue de la Brigade. Un cri de surprise le guida et il aperçut Chris. Elle était inerte sur le sol, recroquevillée dans un coin, hors de vue. Elle était blessée, ses gants étaient constellés d’entailles, sa combinaison déchirée l’avait quand même protégée. Du sang coulait dans ses cheveux et un impact avait coupé le lien de ses lunettes qui gisaient sur son col, emmêlé dans les mèches blondes.

— Elle est morte ? demanda une jeune femme qui l’observait depuis son jardin. 

— Non, constata Camille en se penchant sur elle. 

C’était même évident, elle respirait vite et douloureusement. 

— J’appelle l’hôpital, souffla la jeune femme en reculant. 

— Merci. 

Elle s’éloigna. Il dégagea les cheveux de Chris de son visage ensanglanté. Il sursauta en voyant ses yeux ouverts. Leurs regards se rencontrèrent. 

— T’es con, pas l’hôpital, murmura-t-elle. Je vais justifier ça comment, moi ? 

— Ok, mais… 

— Aide-moi à me lever. 

Il résista à la serrer contre lui et l’aida à se remettre sur ses jambes. Bon sang, si elle râlait, c’était qu’elle n’allait pas si mal, finalement. Il en ressentait un soulagement fou. 

— On rentre, intima-t-elle. 

— Jusqu’à la maison ? 

— Tu veux aller chercher la brouette des voisins ? plaisanta-t-elle pour le détendre. 

Il rit et resserra ses doigts sur elle en grimaçant. 

— Tu m’as foutu la trouille. 

— Ça va, j’ai rien de cassé, je peux bouger, répondit-elle avec douceur. Le portail n’était pas trop haut, j’ai de la chance.

— Oui. 

— Par contre… ta commande fragile… je ne sais pas ce qu’il en reste. Je suis tombée à plat ventre, mais les cristaux, je m’en suis mangé partout. 

— Mais c’est rien, ça… c’est pas grave ! Qu’est-ce qu’il s’est passé ? J’ai vu un des explorateurs sortir bien trop tard… 

— Oui. Mais qu’est-ce que tu fous là, d’ailleurs ? remarqua-t-elle. Tu n’es pas remonté chez les voisins ? 

— Bah non, j’ai pas pu. J’ai trouvé refuge ailleurs. 

Il prit le temps de respirer un bon coup, ça grimpait déjà et il avait épuisé toute son énergie. 

— Alors… à ce sujet, souffla-t-il. J’ai un tas de trucs à te dire et de toute évidence, nous sommes encore vivants, j’avais pas fait gaffe. Elle a réussi, l’alarme ne s’est pas déclenchée… mais ça ne nous sauve pas pour autant. 

Elle lui lança un regard sceptique. 

— Ah et… laisse tomber pour le spectre de Layla, c’est réglé. C’était Bellem. Ils sortent ensemble… 

— On dirait que tu vas avoir une tonne de choses à me raconter. Tu veux bien commencer par le début ? 

— D’accord. Commence, moi ça va être long… et il faut que je récupère mon souffle. 

— D’accord, dit-elle avec un sourire indulgent. 

Discuter rendit la montée un peu moins pénible. Chris lui retraça ce qu’il s’était passé rapidement, sans s’attarder. Lui par contre lui narra tout dans les moindres détails, ses doutes et ses soupçons. Pas après pas, ils se rapprochèrent enfin de leur maison et Chris pu rentrer se changer et s’allonger. Camille l’aida à s’installer et l’inspecta sous toutes les coutures, mais l’armure l’avait bien protégée. La plaie la plus inquiétante courait sur son crâne, sanguinolente et immanquable au milieu de ses cheveux blonds souillés. 

— Je devrais appeler l’hôpital, tu as besoin de points de suture… 

— Et tu vas leur dire quoi ? 

— Que tu as combattu un molosse qui s’était caché sur le toit de la maison et qu’il t’a fait tomber dans le vide ? 

— Et il est où le molosse, maintenant ? 

— Je ne sais pas, il s’est barré ! 

Elle secoua la tête. 

— Tu ne sais pas mentir, n’essaies pas. Je vais dormir, après ça ira mieux. 

Il gémit. 

— Je m’inquiète pour toi ! 

— J’irai à l’hôpital, le doc est discret… mais là… va donc t’occuper de ton histoire de bombe. Et récupère ta boite dans mon sac. J’ai besoin de calme, d’accord ? 

— D’accord. 

Elle avait mal partout. Maintenant qu’elle était allongée, elle avait l’impression que tout son corps lui faisait payer le courage dont elle avait fait preuve pour remonter. Elle se sentait même à nouveau à deux doigts de s’évanouir. La panique de Camille n’arrangeait rien. 

Camille la laissa, la mort dans l’âme. Il avait eu peur, et son état l’inquiétait. Il était terrifié à l’idée de la retrouver morte si elle s’endormait dans cet état. S’il y avait bien un domaine dans lequel il n’avait aucune connaissance, c’était la médecine et ça le rendait parano. 

Il tint deux minutes avant de rentrer dans la chambre à nouveau. Il trouva Chris assise dans la pénombre en train de faire bouger ses articulations une par une. 

— Chris, murmura-t-il. 

Elle releva les yeux vers lui, sceptique. 

— Tu n’es quand même pas en train de pleurer, n’est-ce pas ? demanda-t-elle. 

— Non… 

Bon sang, si. Elle en était certaine. Sa voix serrée, piteuse, son angoisse, sa posture. 

— Je ne veux pas que tu meures, dit-il dans un souffle. Écoute, ça me soulagerait vraiment que tu ailles te faire soigner. 

— Putain, Camille… Ça va, je te dis. 

Il se rapprocha d’elle et prit ses mains dans les siennes. 

— Non, ça ne va pas. Tu ne t’es pas vu dans le miroir, c’est pour ça. 

Elle lui caressa les cheveux. 

— Strada va arriver d’une seconde à l’autre. On va forcément lui dire qu’une grande blonde gisait dans un jardin près de là où le couloir s’est formé. Il va venir. Trouve un truc. 

— Euh… 

Au même moment, on frappa. Chris et Camille échangèrent un regard tandis que la porte s’ouvrait sans attendre et se refermait. 

— Chris ? 

Camille faillit s’effondrer de soulagement. Ce n’était pas la grosse voix de Strada, c’était celle du docteur Daniels. Il sortit à sa rencontre et le précéda vers Chris. 

— Qu’est-ce que vous faites là ? demanda-t-il, surpris. 

— Irvine m’a appelé et m’a dit de vous remercier pour le sauvetage de Didier. 

— La Brigade sait ? s’inquiéta Camille.

— La Brigade, je ne sais pas, mais Irvine, oui, répondit le médecin. D’ailleurs, il n’a pas donné suite à l’appel de la témoin. 

— Comment il va, Didier ? demanda Chris. 

— Il s’est réveillé dans le fourgon, ça va. Ses collègues ont réussi à le rattraper alors qu’il chutait depuis le portail. Il a le nez cassé, son sac est défoncé et les sangles se sont imprimées dans ses épaules en deux hématomes impressionnants. Il a juste dit qu’il s’était perdu et qu’il s’est fait attaquer, qu’il ne comprend pas comment il est sorti. 

Chris poussa un soupir de soulagement. 

— L’étau se resserre, continua Xavier Daniels en inspectant Chris avec une petite lampe torche pour palier à l’absence de lumière. Il y a trop de monde dans les limbes, tu ne pourras plus te cacher très longtemps. 

— Ça ne poserait pas de problème si les explorateurs étaient un peu plus prudents. 

— Remarque que si tu les avais formés comme ça aurait dû être le cas si tu avais passé le relais de ton mentor, alors ils le seraient. Tu n’as pas le droit de t’en plaindre. 

À cela, elle ne répondit rien. Effectivement, oui, elle aurait dû les former. Les choses ne s’étaient pas déroulées comme ça et elle les avait peut-être bien mis en danger en gardant pour elle ce que Tony lui avait donné. Mais est-ce que la situation aurait pu être différente ?  

— Rien de cassé, constata le médecin. Tu es solide et tu en as vu d’autres. Repose-toi et pense à désinfecter tes plaies. Demande à Camille de t’aider. 

— Ok. Merci. Et euh… dans mon sac, les prélèvements… Ce sont les derniers. Je ne sais pas ce que je pourrais ramener d’autre. 

Camille désigna le sac dans un coin de la pièce sans chercher à s’en approcher. 

— Vérifiez d’abord que c’est intact, dit-il avec une grimace. 

— Ça l’est, constata-t-il tout content. Je vais pouvoir avancer. Merci pour tout. 

— De rien. 

Le silence revenu une fois le doc reparti, Camille s’installa à nouveau près de Chris, sur son lit. 

— Il a raison sur un point, ça devient tendu, murmura-t-il. 

— On ne change rien. Je serai plus prudente à l’avenir.

— D’accord. Tu sais où tu vas, au moins ? 

— En fait… ça fait trois ans que j’espère que Tony rentrera et règlera tout ça pour moi, admit-elle. 

Camille fit de son mieux pour ne pas soupirer. Elle ne gérait rien, rien du tout. Comme toujours, elle fonçait tête baissée. 

— Peu importe, conclut-il. Dors, repose-toi. 

— C’est ce que je vais faire. Et toi, cours à la Brigade. Assure-toi que cette histoire de bombe, c’est terminé. 

— Oui, tu as raison. 

Ça lui était complètement sorti de la tête. C’était stupide, un danger imminent, une énorme bombe… Mais dès qu’il avait su Chris en danger, tout cela n’avait plus eu aucune importance. 

 

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Raza
Posté le 15/07/2025
Coucou !
Eh bien, voilà qui est fort sympathique ! Chris est sauve et tout va mieux !
Bon, je dois avouer que j'ai un peu de mal à me représenter la scène, et comment, là encore, elle peut s'ensortir discrètement....
Et la deuxième.chose que j'ai du mal à avaler c'est qu'elle peut marcher tranquille jusqu'à chez elle, sans que personne ne la voit et sans s'évanouir ! Ce qui m'a amené à me dire que je ne sais pas à quelle distance se trouve l'ouverture de chez C&C, ni à quelle distance du sol se trouvent les ouvertures. J'ai un souvenir d'une grue, qui me donne ll'impression que tomber du tunnel serzit une chute de 50 m (et donc fatale!), mais c'est peut être un faux souvenir.
Un seul être est sauvé et Camille perd la tête, ça par contre j'achète ! <3 trop mimi.
Je relève une petite coquille :
si tu avais passé le relais --> si tu avais pris le relais plutôt :)
À bientôt !
Solamades
Posté le 29/07/2025
Arf, tu es impitoyable. J’avoue que je joue un peu trop avec les codes des super-héros… j’adore ça 🥰 mais après pour la crédibilité… on repassera. Bon, je vais essayer d’adoucir les angles 🤭
Pour ce qui est de la distance, que parcours Chris à chaque alerte depuis chez elle.. 2 ou 3 rues. Eir est une toute petite ville. Et pour la hauteur des portails, pas 50m, non… même pas 5. Il n’y a pas de grue, juste un monte-charge qui permet de faciliter à la brigade le fait de monter un peu de bordel pour faire une barricade. Je n’ai pas donné de distance, mais en gros… au niveau d’un premier étage.
A tout de suite !
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