Scène 2

Quand elle entra dans la salle de répétition, la lumière était éteinte. Elle ne l'alluma pas. Le fil d'acier accrochait le peu de lueur qui venait de l'extérieur, toujours orageux. Il luisait. Moumi s'assit sur un banc de bois et fit craquer ses orteils avant d'enfiler ses chaussons. Le cuir souple épousait la forme de ses pieds fins. Elle s'approcha de la corde d'entraînement. Elle la frôla du bout des doigts. C'était son rituel. Toujours saluer la corde avant de la chevaucher. Moumi rougit, la chaleur lui monta aux joues. Le fil la rendait humble. Sa tendresse s'exprimait dans ce geste. Elle abandonnait sa fougue et sa carapace, l'acier en était le gardien.

Nico, son jeune partenaire, n'était pas encore arrivé. Retardé, comme souvent, sûrement par sa fille. Moumi ne l'attendit pas, elle grimpa un à un les échelons. Arrivée sur la petite plate-forme, elle se releva, s'allongea, s'étira, sentant chaque vertèbre de son échine retrouver sa place. La tête haute, le regard lointain, elle caressa d'abord le câble avant de s'élancer pour un premier pas, sans balancier. Inspiration, expiration. Dans la salle, on n'entendit que le souffle de sa respiration contrôlée et profonde. Elle sentit le câble, dur, tangible, cinglant, sous les chaussons de buffle. L'énergie se propageait à son mollet, sa cuisse, son bassin qui retrouvaient leur souplesse. À chaque premier pas, elle avait huit ans. Elle s'était glissée sous la toile du chapiteau d'un cirque itinérant. Les acrobates et les clowns l'avaient vue mais ils avaient fermé les yeux. Elle les avait gardés grands ouverts. Le funambule avait commencé à pirouetter. Quand elle lui avait demandé de lui apprendre, il n'avait pas répondu. À la place, il l'avait saisie sous les bras et posée sur le fil.

Soudain, les néons de la salle s'allumèrent.

— Nico, s'exclama Moumi, éblouie. Tu aurais pu me prévenir que tu étais arrivé.