Une réunion impromptue

Par Dersou

Une bonne odeur de soupe aux fèves flottait dans l’arrière-boutique de Poliphée.

Alléché, Vopio se précipita dans la cuisine et chercha des yeux la marmite. Rien sur le poêle. Il fronça les sourcils.

Le jeune garçon entendit soudain un tintement de couverts qui provenait de l’étage. Bien sûr ! Rem’mat et sa femme étaient sûrement passés à table depuis longtemps. Avec un peu de chance, Vopio aurait droit à une assiette du potage… s’il en restait. Accompagnée d'une tranche de ce pain succulent que seule Poliphée savait cuire, et pourquoi pas ? d'un verre de vin rouge. À seize ans, il avait maintenant l’âge d’en boire. En vérité il en avait déjà goûté, et il avait detesté, mais qu'importe, il avait eu l'impression de devenir adulte.

Vopio hésita quelques secondes. Rem’mat n’aimerait guère voir son élève surgir à une heure si avancée et mendier sa pitance comme un crève-la-faim. Il allait lui intimer de déguerpir, sauf si Hurdoy était avec eux. Le vieux soldat aimait bien le garçon, et il lui offrirait de s’asseoir avec eux rien que pour contrarier son ami le sorcier.

Et si ça ne marchait pas, Vopio brandirait son argument décisif : il apportait des nouvelles intéressantes sur les événements qui avaient frappé la Cité un peu plus tôt. Des nouvelles de première main ! En fait, il ne pourrait pas s'empêcher de tout raconter, avec ou sans repas. Alors autant commencer par ça.

Le jeune garçon monta les marches deux à deux et déboula dans le petit salon, prêt à faire son numéro de crieur de rue.

« Maître ! La princesse d’hier ! C’est elle qui a ... »

Il faillit s’étouffer en apercevant Nynù assise en bout de table, un bol de soupe devant elle et une cuillère à la main.

Toutefois il n’était pas au bout de ses surprises, car il n’avait pas vu Hurdoy se lever et passer dans son dos à la vitesse de l’éclair. Le maître d’armes attrapa fermement le coude de Vopio et lui plaqua un avant-bras noueux sous le cou.

— Tais-toi ! lui intima le maître d’armes.

Hurdoy retenait sa force, évidemment, pour ne pas blesser Vopio, mais le garçon apprécia moyennement cette façon de l’accueillir.

Rem’mat se leva à son tour et demanda vivement :

— Es-tu seul ? As-tu parlé de cette histoire? Je veux dire, ce qui s’est passé à l’auberge hier soir, avec la maîtresse Nessoï ? À qui as-tu parlé ? Réponds !!

Hurdoy relâcha un peu sa prise. Vopio roulait des yeux de condamné qui file à l’échafaud, en direction de Poliphée qui ne pipait mot.

— Je… aïe, Hurdoy, laisse-moi respirer ! Je n’ai parlé à personne ! J’ai juste… Poliphée, dis-lui de me lâcher !!

Hurdoy n’attendit pas l’intervention de cette dernière et libéra le jeune garçon. Vopio n’allait pas se sauver et crier sur tous les toits que la princesse en fuite était parmi eux.

— Excuse-moi, gamin, grommela le vieil homme. Je ne pouvais pas prendre de risques. Avec ta manie de courir partout et de parler tout le temps !

Vopio reprit son souffle en évitant soigneusement de regarder Nynù. Aucune des deux femmes n’avaient encore ouvert la bouche.

Rem’mat l'invita à s’asseoir.

— Bon, maintenant, rends-toi utile et dis-nous ce que tu sais. Pour une fois qu’on veut bien écouter tes ragots, profites-en ! On est tout ouïe.

Vopio loucha ostensiblement vers la soupe. Poliphée soupira alors et lui servit un bol. Pendant ce temps, le garçon fit son rapport, les yeux baissés.

— Je reviens de Lotsetin, j’ai pu discuter avec mes amis qui travaillent aux écuries des Postes. Le tremblement de terre a fait un sacré grabuge, là-haut. Le Prince Héritier est mort, écrasé par une colonne qui s’est effondrée en plein sur sa tête.

En entendant cette dernière phrase Nynù tressaillit violemment. Sa cuillère lui échappa des mains et tomba bruyamment sur la table. Les autres ne firent aucun commentaire. Par considération pour elle, Vopio attendit quelques secondes avant de reprendre d’une voix chevrotante.

— Et aussi Mérya, la sœur de l’Empereur. Et la vieille Duchesse Nynùria, fille de Béryl la Grande, et euh.. cousine… grande-cousine de l’Empereur.

— Sa tante. Ma grand-tante.

Vopio leva enfin les yeux vers Nynù qui venait de parler. Comme Poliphée un peu plus tôt, il fut frappé par la beauté triste de la jeune femme. Il en tomba aussitôt amoureux, et presque aussi vite il décida qu’elle était trop vieille et trop sérieuse pour lui, qu’elle ne ferait donc pas une épouse intéressante, et que de son côté il n’en ferait pas une maladie. Ainsi fonctionnait Vopio, un grand optimiste doublé d’un implacable réaliste.

— Qui d’autre ? demanda Nynù.

— Eh bien… Le Duc des Cents Vallées. La fille aînée du Prince d’Azilis. Le jeune enfant d’un autre prince pas très connu… enfin, pas très connu de nous autres les gens du peuple. Environ une dizaine de soldats ou de serviteurs du Palais.

Nynù souffla intérieurement. Avec un peu de chance, ses jeunes frères s’en étaient sortis indemnes. Ainsi que sa mère Negygù, quoi qu’elle ait pu faire à sa propre fille.

— Et que dit-on sur ce qui a pu… provoquer ce tremblement de terre ? intervint Hurdoy.

— Ils disent tous que c’est un complot de l’Orbelys. Des sorciers se sont réunis au pied de la Colline et ont invoqué un démon géant de la terre, ils appellent ça un «primitif». Ils disent surtout que sans la… sans la princesse, le démon n’aurait jamais pu se faufiler exactement sous le Palais, et que les Défenses magiques l’auraient bloqué. C’est elle qui a mené l’attaque.

— Et pourquoi aurait-elle fait une chose pareille ? Attaquer le Palais !!

Scandalisée, Poliphée venait enfin de sortir de son mutisme. Vopio haussa les épaules et gloussa.

— Pour devenir Impératrice, quelle question ! Il paraît qu’une vieille voyante lui a monté le bourrichon, et que… oh, pardon, Princesse, je ne devrais pas dire ça.

— Pour commencer, fit Rem’mat, arrête d’utiliser ce mot. Il n’y a pas, il n'y a jamais eu de princesse ici, n’est-ce pas…. maîtresse Nessoï ? Des oreilles pourraient traîner, et je sais que ça peut aider les Sorts de Situation si l'on évoque trop souvent ce qui est recherché. Ensuite, il va falloir qu’on...  Hurdoy ?

Cette fois Hurdoy fut un peu moins surpris par l’intrus qui montait les escaliers. L’intruse, en fait, car il s’agissait de Xù, la blonde athlétique. Elle se retrouva nez à nez avec une lame jaillie de la ceinture du maître d’arme.

Mais contrairement à Vopio un peu plus tôt, la joueuse de tomp réagit au quart de tour et fut au moins aussi rapide qu’Hurdoy. Elle bondit en arrière tout en lançant son pied vers le poignet du vieil homme qui esquiva in extremis le coup destructeur.

— Mille Dieux ! Hurdoy !! Qu’est-ce que tu fous…? siffla la blonde, prête à frapper une nouvelle fois.

— Allons, allons, on se calme ! s’interposa Rem’mat. Les esprits s’échauffent trop. Assied-toi, Xù, on a des choses à te raconter. Mais d'abord, dis-nous ce qui t'amène si tard.

Xù montra Nynù du menton.

— Celle-là.

Hurdoy, qui avait rentré sa lame dans son fourreau, s'apprêta à sermoner Xù sur sa façon de parler de la princesse. Il se tut en voyant que cette dernière était perdue dans ses pensées. Nynù regardait fixement les noeuds du plancher comme si tout le reste n'avait aucune importance.

— Bon, fit Rem'mat. Vous êtes déjà deux – Vopio, et toi Xù – à vous être précipités ici comme si c'était le centre du monde. Est-ce qu'il y en aura d'autres ? À votre avis?

— Bah moi, je vous cherchais, maître, c’est tout ! se défendit Vopio. Et j'ai senti la bonne soupe alors…

— Il n'y aura personne d'autre ce soir, mais demain ça va débarquer, vous pouvez me croire, lança Xù avec un sourire mauvais.

— Qu'est-ce qui te fait dire ça?

— Le petite numéro de la demoiselle ici présente, hier à l'auberge du Ventre Tendu. Même avant cette histoire de tremblement de terre, je peux vous dire qu'on ne parlait que de ça, ce matin, dans tout le quartier. Je pense que l'aubergiste était sur le point de commander une plaque commémorative pour la fixer au mur,  du genre « sur ce banc s'est posé le très noble postérieur de... »

— On a compris, la coupa sèchement Hurdoy. Donc tu penses que certains vont témoigner, et que ça va amener des enquêteurs ici ?

— Certains ? Tous, non d'un rat !! Si ce n'est pas par peur, ce sera par appât du gain ! Au moins vingt personnes vous ont vu tailler une bavette avec la … avec elle, et parmi eux il n'y a pas que des abrutis. Maintenant que toute la Cité sait qu'une Princesse vraie de vraie se planque quelque part dans le coin, ils vont vite faire le rapprochement et vous serez bientôt en haut de la liste des personnes susceptibles de recevoir la visite d'une escouade de Paladins. Ou d'un Inquisiteur.

Il y eut un long silence.

— Bon. Il faut un plan. Et vite, conclut Rem’mat.

Les regards se tournèrent vers Nynù.

*

Elle les voyait mais ne les regardait pas, elle les entendait mais ne les écoutait plus. Elle sentait l'agitation autour d'elle mais elle n'était plus vraiment là. Nynù était arrivée à la même conclusion que Xù depuis longtemps : ses heures étaient comptées.

Quand elle s'aperçut qu'ils l’observaient tous en silence, elle sortit de son isolement.

— Tout d'abord… je voudrais vous remercier pour votre aide. Mais on ne va pas perdre de temps : je vais partir d'ici dès que possible, et je vous demanderai de ne pas me suivre. Les Sorts de Situation vont bientôt me retrouver. Je ne peux pas me rendre comme si j'étais coupable, ni me cacher derrière vous comme une lâche. Je vais donc marcher, comme une prêtresse de campagne, sur les routes qui mènent aux collines du Nord. Ils m'arrêteront, c'est certain, mais j'aurai la tête haute et un bâton à la main. Et si…

— Bravo ! l'interrompit Xù. Ça c'est drôlement noble de votre part, princesse, j'en ai les larmes aux yeux. C'est ça, les Darfnag ? Je croyais que vous étiez des chiens de guerre, à mordre jusqu'au dernier souffle !

Tous furent estomaqués par l'intervention de Xù, sauf Nynù, pourtant visée. Elle venait d'entendre la voix d'Odyvnù, qui lui aurait dit à peu près la même chose mais en y mettant les formes.

— Vous avez raison, Xù. Mais les faits sont là, je suis seule et ils ont les plus puissants sorciers de l'Empire pour me localiser. 

— Attendez, Nessoï, s’interposa Rem'mat. Sauf votre respect, je crois que vous surestimez la puissance des Sorts de Situation. Ce n'est pas votre domaine de prédilection, me semble-t-il. C'est un peu plus le mien, j'ai étudié ces sorts il y a longtemps alors que je voulais retrouver ma… (il rougit un instant en regardant Poliphée de biais). Bref. Ces Sorts peuvent se ranger en deux familles. Élementale, d'abord. Vous connaissez les Limiers, ces élémentaux mineurs qui peuvent sillonner le monde à une vitesse prodigieuse et vérifier une à une chaque personne qu'ils croisent. Une meute de Limiers pourrait retrouver un individu en quelques heures dans une région... moyennement peuplée. Dans une ville de la taille de la Cité Éternelle, c'est une autre paire de manches. Il faudrait des milliers de Limiers, et que les gens ne se déplacent plus du tout pendant une journée, ce qui est irréaliste. Quant à l'autre famille de sorts... 

Rem'mat était comme un poisson dans l'eau. Plus que tout dans la magie , il aimait sa théorisation, et son enseignement. Vopio connaissait déjà les qualités pédagogiques et l’enthousiasme du sorcier autodidacte, et il l’écoutait d’une oreille distraite car il avait déjà entendu cette leçon. Les autres par contre étaient pendus à ses lèvres.

— … ce sont les sorts mentiques. Leur finalité est d’établir une connexion avec l'esprit du fugitif… enfin, de la personne cherchée. Un bon sorcier mentique peut retrouver quelqu'un dans une cité comme la nôtre, mais il lui faudra des jours pour le localiser précisément. Deux sorciers mentiques placés à des endroits différents pourraient échanger leurs informations et en déduire une zone un peu plus précise. Trois sorciers seraient en mesure de retrouver Nessoï en une journée s'ils recoupaient leurs visions et utilisaient une carte pour y reporter les distances qu’ils…

— Leurs visions ? intervint Hurdoy.

— Oui. En ce moment même, il y a peut-être déjà un sorcier qui perçoit vaguement ce que perçoit Nessoï, et qui entend…

Sa voix s'éteignit.

Nynù termina la phrase.

— … et qui entend vaguement ce que j'entends. Merci, maître. Je comprends maintenant cette torpeur qui m'a saisie tout à l'heure, et qui revient régulièrement à la charge, par vagues.

Rem'mat était devenu blême.

— Je suis un idiot ! Pardonnez-moi, O’Nessoï. J'aurais dû y penser avant.

Puis, se tournant vers les autres.

— Ne donnez plus à voix haute d'informations qui permettrait d'identifier cet endroit ! Ni nos noms ! Et vous, Nessoï, ne regardez pas par la fenêtre.

— Je crois que c'est un peu tard, fit Xù de sa voix trainante où perçait de la nervosité.

— Dites-m'en plus sur ces sorts, maître, poursuivit calmement Nynù à l'adresse de Rem'mat. J'aurais aimé vous avoir comme professeur, au Palais. Je n'en serais peut-être pas là si des gens passionnés comme vous s'étaient chargés de mon éducation.

*

Rem'mat parla pendant une bonne demi-heure dans un coin avec Nynù. Ils échangèrent en des termes techniques, abscons pour des oreilles profanes, et s'enthousiasmèrent plus d'une fois.

Finalement, Nynù s'adressa aux autres qui, pour tuer le temps, s'étaient attaqués à une tarte aux pommes préparée par Poliphée.

— Vous pouvez maintenant parler librement. Grâce à Rem'mat, j'ai compris la nature exacte des sorts mentiques. C'est un jeu d'enfant pour moi de les repousser, dorénavant. Par contre (son visage s'assombrit) les sorciers qui les lancent les voient… "rebondir". Ils peuvent donc toujours localiser approximativement l'origine de ce rebond. Mais moins précisément. C'est bien cela, maître ?

— Moins précisément, en effet, confirma Rem'mat.

Le sorcier "de bazar" était aux anges, encore stupéfait de se faire appeler "maître" par une vraie magicienne de très haute naissance. Ce qui n'échappa pas à Poliphée qui lui flanqua un coup de coude.

— Fais pas le malin, Rem'.

Mais la matrone était heureuse pour son mari, enfin reconnu à sa juste valeur.

— Je ne voudrais pas casser l’ambiance, mais ça ne répond pas à la question : qu'est ce qu'on fait maintenant ?

Xù les regardait, narquoise, un morceau de tarte à la main.

*

— Récapitulons. Nous avons plusieurs jours devant nous avant que les sorts ne localisent précisément Nessoï. Si nous en profitons pour partir vite et loin de la Cité, nous laisserons derrière nous ces fouineurs de sorciers mentiques, mais nous aurons alors le problème des Limiers à régler. En dehors des zones urbaines, ils sont très efficaces.

Hurdoy avait décidé de prendre l’affaire en main. De toutes les personnes présentes, il était le seul qui avait l’expérience de la guerre ou, à cette échelle, de la guérilla. Rem’mat était trop intellectuel, Xù trop impulsive, et Poliphée trop… elle.

— "Nous ?" s’exclama Nynù. Je compte bien faire tout mon possible pour me soustraire à la Justice, maintenant que j’entrevois une lueur d’espoir, mais ce que j’ai dit plus tôt est toujours valable : je vous conjure de rester en dehors de tout ceci ! De tout mon cœur, merci ! Mais je n’ai pas le droit de vous faire prendre plus de risques.

— Justement, Noble Dame… Nessoï. Nous ne pouvons plus revenir en arrière. Ce n’est pas une coïncidence si...

— Il est un peu tard pour vous préoccuper de notre sort ! explosa soudain Xù. Vous auriez dû y penser avant de ramener vos fesses ici, non ? Les Paladins vont bientôt se pointer, et ce n’est pas l'odeur de la tarte aux pommes de Poliphée qui les aura attirés, mais bien vous !

— Laisse-la tranquille, Xù ! Il y a quelque chose que tu n’as pas encore compris : tous, nous sommes liés par…

— Elle a raison, Hurdoy, le coupa à son tour Nynù. Mais il n’est pas trop tard. Si vous me dénoncez maintenant, la justice impériale ne vous poursuivra pas, et vous recevrez même probablement une récompense. Laissez-moi seulement un peu de temps et d’avance avant de...

— Quoi ?? s'indigna Xù. Vous n'insinuez tout de même pas que nous allons…

— Silence !!

Hurdoy venait d’abattre son poing sur la table. Il regarda Nynù puis les autres droit dans les yeux.

— Si vous me laissiez finir ! Vous aussi, Dame Nessoï, sauf votre respect. Il y a quelque chose qu’aucun d’entre vous ne semble avoir compris, à part Rem’mat car je lui en ai parlé ce matin. Voilà : nous ne sommes pas ici par hasard. Trop d’éléments nous ont conduits en ce lieu, à cet instant précis. Maintenant, je vais vous poser la question, sauf à vous ma Dame. Avez-vous rêvé de Nessoï, de Dame Nynùvirdath, avant ce jour ? Ou bien avez-vous senti que vous étiez, de près ou de loin, liés à elle quand vous l’avez vue pour la première fois ?

Xù soutint le regard gris acier du vieux maître d’armes mais ne dit rien. Vopio était comme hypnotisé par la dernière part de tarte. Poliphée frottait nerveusement ses mains contre son tablier tout en hochant lentement la tête.

— Bon. Je pense que c’est clair, fit le maître d’armes. Nessoï, nous allons vous aider. Point. Ceux d’entre nous qui le voudront vous accompagneront le plus loin possible ; vous pouvez déjà m’inclure.

— Et moi avec, fit Rem’mat, imité immédiatement par Vopio qui suivait son maître comme son ombre.

Xù et Poliphée se regardèrent. La blonde athlétique leva la main.

— Le plus loin possible, dis-tu. Ça donne quoi, en langage pratique ?

— À ton avis ? Quelles sont les limites de l’Empire ? Elles ne sont pas sur le Dajà, en tout cas.

— Alors j’en suis. J’ai toujours rêvé de visiter un autre monde.

— Mais il y a des Portails ici-même à la Cité ! s’écria Poliphée. Alors pourquoi nous lancer dans la plaine ouverte comme une bande de lapins… sous la menace des aigles ?

— Belle image, chérie, répondit Rem’mat. Tu as parfaitement raison. Cependant tu oublies que les Portails de la Cité sont tous dans des temples fermés et étroitement surveillés par des compagnies entières de soldats. L’Empire utilise ces portails pour dominer les autres mondes, mais comme ils sont ouverts dans les deux sens, ils pourraient un jour vomir des armées ennemies sur le Dajà.

— Et si c’est juste pour quitter le Dajà, pas pour l’envahir ? insista sa femme.

— Tout déplacement de ce genre doit être administrativement autorisé et consigné. Le droit de passage est très élevé, car les douanes font leur beurre sur le dos des voyageurs. De plus, je crains que les Portails de la Cité ne soient devenus, depuis ce matin, les endroits les mieux surveillés de tout le Palatério.

— Et les autres Portails, ailleurs dans le pays, ils ne sont pas surveillés ?

— Si, bien sûr. Mais moins. Et à l’est, vers Val-de-Pierre, il y a des portails clandestins qui appartiennent à des contrebandiers. Enfin, c’est ce qu’on raconte.

Hurdoy mit fin à l’échange entre Rem’mat et Poliphée.

— Il est temps de partir. Je propose que nous allions vers le sud et quittions les faubourgs de la Cité tant qu’il fait nuit. Si nous atteignons la forêt de Selmuyr à l'aube, nous pourrons nous y cacher et reprendre notre route le soir… en direction de Val-de-Pierre. Si vous êtes d’accord, O’Nessoï.

La jeune prêtresse hocha la tête.

— Vous avez oublié les Limiers. Mais la rapidité est en effet notre alliée, et j’ai ma petite idée pour les semer. Nous allons suivre votre plan, Hurdoy. Cependant, j’aurai besoin d’une paire de ciseaux, et aussi d’autres vêtements. Cette tenue risque d’attirer les regards. Pourrez-vous me fournir une autre tenue, Poliphée ? Poliphée ??

Alerté par le ton de Nynù, Rem’mat se tourna le premier vers sa femme qui avait maintenant les larmes aux yeux.

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DraikoPinpix
Posté le 25/04/2020
Le groupe est formé. Justement, je voulais les voir ensemble. Hâte de voir leur évolution. On sent déjà les caractères des personnages et on arrive à les différencier.
J'adore, c'est que toi et moi, on est dans le même délire : des mondes et des portails, même si mon roman est différent, je te rassure ^^
À bientôt !
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