Volontaire

— Vous avez entendu le spectre ? interrogea-t-il sans préambule.

Chris et Camille approuvèrent.

— J’ai testé Camille, expliqua Chris.

La conversation était étrange, formelle, efficace. Rien à voir avec d’habitude.

— Il va bien. Par contre… il a la Terreur.
— Oh…

Strada s’approcha du jeune homme qui ne savait pas s’il devait s’offusquer.

— Est-ce que ça va ? Tu as tenu le choc ? Ton cœur te fait souffrir ?
— Je vais bien, répondit Camille. C’est quoi la Terreur ?
— C’est ce que tu as ressenti pendant l’éruption. C’est comme ça, tu n’y peux rien. Les limbes provoquent des accès de panique chez certaines personnes, c’est absolument irrationnel et ça touche même les plus forts. Ce n’est pas que de la peur, c’est plus violent que ça. Certains en meurent. Le cœur s’arrête… Mais je ne veux pas te faire paniquer, tu es encore jeune, en bonne santé, ton cœur doit être solide.

Camille réprima l’angoisse que le chef lui faisait ressentir et porta son verre à ses lèvres. Strada suivit son geste des yeux, mais ne fit aucun commentaire.

— Est-ce que vous avez une chance de trouver qui a été infecté ? demanda Camille.
— Ça va être coton… On a déjà commencé les recherches… tout le monde a déjà un suspect en tête.

Camille accusa le coup en comprenant pourquoi Strada et Chris le regardaient tous les deux avec cet air fataliste.

— C’est pourquoi je ne reste pas plus longtemps. Restez enfermés, il faut que j’y retourne.

Camille se leva et lui posa une main sur le bras pour le retenir.

— Laissez-moi vous aider. Recouper des données c’est ma spécialité. Je peux me rendre utile.

Strada le dévisagea comme s’il avait perdu la tête.

— Écoute, Camille, c’est très gentil à toi et je te remercie, mais…
— Et Chris aussi va aider, non ?

C’était sorti spontanément et Camille sut immédiatement que c’était la chose la plus stupide qu’il n’ait jamais dite.

— Quoi ? s’étouffa Chris. Non.
— Tu n’as pas peur, tu es efficace, jugea Strada. Peut-être que tu ne veux plus entrer dans les limbes, mais là le problème ne se pose pas. On s’assure juste que le quartier est en sécurité.

Il hocha la tête en les contemplant tous les deux.

— C’est hors de question, affirma Chris. La Brigade fonctionne à la confiance et personne n’a confiance en moi.
— Enfile un pantalon. Allez interroger les habitants de la rue à gauche et faites-moi votre rapport quand je reviendrai. C’est un petit secteur, prenez votre temps, faites les choses correctement, c’est important.
— Bien chef, approuva Camille.

Pour une fois, Strada ressortit sans claquer la porte. Chris jaillit de sa chaise prête à assassiner Camille. Il se tourna vers elle et lui fit face. Elle fut frappée un instant par sa ressemblance avec son père, mais ça ne dura qu’une seconde. Elle arma son poing pour le cogner.

— Je sais ce que je fais, ça va t’être utile, assura-t-il sans bouger, sans perdre de son aplomb.  
— Ça va m’être utile ? Répéta-t-elle sur un ton menaçant. Ne recommence jamais ça.

Elle le poussa contre la table.

— Je te tolère chez moi, alors ne t’avise plus jamais de m’embarquer dans tes conneries !

Elle s’écarta pour rejoindre sa chambre. Camille retint son souffle pour écouter. Il crut un instant qu’elle s’était mise au lit, mais elle ressortit habillée d’un jean bleu et de baskets à scratch. Il cligna des yeux.

— La mode, ici, c’est vraiment pas fou…
— Encore un commentaire et je te tue. Personne ne me contredira si je dis que c’est toi qui a été contaminé. Au contraire, on me remerciera.
— C’est bon, c’est bon…

Elle le dépassa.

— Ramène tes fesses. J’aime pas parler aux gens, tu te débrouilles.

Camille jubila intérieurement. Il ne savait même pas pourquoi il était content, il avait juste l’intuition que Chris était un rempart efficace contre les monstres et qu’il fallait qu’il étende le plus possible ce sentiment dans le quartier.