Chapitre 1 - Le retour dans le temps.

Par Hikaru
Notes de l’auteur : Ce que vous lisez n’est peut-être pas un début.
Peut-être est-ce un retour.
Ici, rien n’est tout à fait réel — sauf ce que vous ressentez.
Avancez doucement.
Certaines clés sont visibles.
D’autres attendent, cachées dans un geste, une odeur, une phrase oubliée.
Et parfois… ce n’est qu’à la fin qu’on comprend ce qu’on lisait vraiment.

Hikaru ouvrit les yeux sans vraiment se réveiller.
La lumière du matin s’infiltrait doucement entre les lattes du volet.
Elle n’avait pas changé.
Ni la teinte, ni l’odeur du drap, ni le petit bruit au loin —
peut-être un oiseau. Ou une branche contre la vitre.

Il habitait une petite ville à proximité de Kyoto,
remplie de symboles muets, de décors figés
et de temples qui en disaient longs.
Son prénom — Hikaru — était lui-même un symbole.
« Lumière », disait-on. C’est ce qu’il signifiait.

Tout était exactement comme avant.

Il se redressa.
Le parquet grinça.
Il sourit.

— Je suis revenu.

Il ne se demanda pas comment.
Ni pourquoi.
C’était un fait simple, intérieur, presque biologique.

L’odeur de la rose cueillie la veille reflétait la douceur de cette matinée.

Dans la cuisine, Satomi préparait le thé.
Elle portait son vieux gilet bleu, celui avec les manches trop longues.
Elle ne dit rien.
Elle le regarda.
Et sourit.

— Tu as bien dormi, Hikaru ?

Il hocha la tête.
La voix de sa mère était parfaitement posée,
comme une partition qu’on rejouerait sans rature.

Il s’assit.
Le bol était là, comme toujours.
Même motif.
Même fêlure.
Il tendit la main.
Et l’espace d’un quart de seconde…
le bol sembla vibrer.
Comme une image mal fixée sur un écran.
Il cligna des yeux.
Rien.

Le chat passa dans le couloir.
Il ne se retourna pas.
Pas un regard.
Pas un frottement.
Juste… il traversa.

Dans la pièce voisine, une vieille radio grésilla.
Une voix surgit soudain :

— …c’était exactement à 7h04 que…

Puis un bruit sec.
Silence.

La seconde d’après,
la radio cliqueta à nouveau.
Comme si quelqu’un changeait de fréquence.
Mais personne ne bougeait.
Juste un souffle dans l’air.
Un courant d’air… ou un souvenir.

Satomi entra avec deux tartines.
Elle ne sembla rien avoir entendu.

Le beurre avait le même goût que dans ses souvenirs.
Exactement le même.
Et c’était ça, justement,
qui l’inquiéta à peine.

Il se leva.
Passa dans le salon.

Sur le meuble du couloir, il reconnut la montre à gousset de son père.
Juste à côté… un vieux carnet. Fermé. Posé à l’envers.
Il ne se souvenait pas l’avoir déjà vu.
Ou peut-être… jamais remarqué.
Il tendit la main.
Puis la retira.
Ce n’était pas le moment.

Il saisit la montre.
Elle était ouverte, comme toujours.
Les aiguilles avançaient, régulières.
Mais son cœur, lui,
ne battait pas au même rythme.
Il la reposa doucement.
Il n’aimait pas cette sensation.

En passant devant la chambre de ses parents, il remarqua que
la lumière tombait sur la photo de famille,
posée bien droite, orientée vers la porte.

Il s’arrêta un instant.
Une ampoule vibra au plafond.
Un très léger bourdonnement.
Et puis… plus rien.

Un flash.
Une image.
Noir et blanc.
Une porte entrouverte.
Une respiration haletante.
Une lumière de néon.
Une seconde.
Pas plus.

Il cligna des yeux.

— Reste encore un peu.

Il ne savait pas si la phrase était pensée, dite ou entendue.
Mais elle était là.

Satomi ria doucement dans la cuisine.
Elle avait ce sourire qui vous accueillait sans jamais vous juger.
Le thé avait débordé un peu sur la plaque.

Il inspira.
Il était revenu.
Non pas pour corriger ce qui s’était passé…
Mais pour le traverser.
Encore.

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Uluno
Posté le 21/06/2025
Au premier chapitre, je n'étais pas sure de savoir ce que je trouverai dans cette histoire. Au chapitre deux, je ne suis pas plus avancé, mais maintenant je comprends que c'est souhaité.
Concernant la note de l'auteur, j'ai cru y voir quelque chose d'assez proustien, même si le style est diamétralement opposé à celui de Proust.
En tout cas c'est une œuvre très intéressante, dont je vais continuer la lecture au plus vite. Merci d'avoir publié cette histoire.
Hikaru
Posté le 21/06/2025
Bonjour Uluno , merci beaucoup ton commentaire je cherche honnêtement un style d’écriture où il n’y a pas besoin de tout dire, où parfois une rose, une montre, un carnet signifie bien plus qu’une parole, en effet le rythme est assez ‘lent’ mais c’est voulu, pour ressentir un peu plus. Et tout ce que j’écris aura un rapport avec la fin, les réponses se cachent parfois dans les détails … :)
Ardichi
Posté le 03/06/2025
Me revoilà !

Tu tiens tes promesses, tu fais littéralement parler le silence.
Il n'y a rien à comprendre, juste à ressentir, ressentir cette traversée sensorielle à travers un son diffus, une odeur, un objet.
C'est déroutant à première abord, mais cela a vraiment du charme. La temporalité est floue, est-ce le passé ? Le présent ? Le futur ? Peut-être tout à la fois. Comme ce flash ou ce "reste un peu".
On n'a pas toutes les clés, même aucune à vrai dire, mais ton en-tête permet de bien nous clarifier tout ça, sauf ce qu'on ressent, tout n'est peut-être pas totalement réel.
J'imagine pas la difficulté d'écrire un tel texte. C'est en tout cas une belle expérience à lire.

Merci beaucoup pour ton partage.
Belle continuation à toi !
Hikaru
Posté le 04/06/2025
Merci pour ton retour, il compte plus que tu ne peux l’imaginer.

Ce que j’essaie d’écrire, je ne le raconte pas vraiment. Je le ressens d’abord. Puis je tente de le décortiquer — comme on observe une émotion au ralenti, pour comprendre comment elle naît, comment elle serre la gorge ou adoucit une pièce.
C’est souvent flou, parfois bancal… mais toujours sincère.

Alors lire que tu l’as ressenti, ce flou-là, cette temporalité suspendue… c’est comme entendre que le fil a tenu.

Merci pour ta lecture attentive, et pour le silence que tu as su y entendre.
Vous lisez