Chapitre 3 - Le jour où elle mourait.

Par Hikaru
Notes de l’auteur : Il n’y a pas de plus grande douceur que celle qui précède l’absence.
Ce chapitre n’est pas un adieu, mais une respiration suspendue,
celle de ceux qu’on aime, quand ils décident sans bruit de ne plus lutter contre le temps.

Satomi n’était pas le cœur battant de l’histoire,
elle en était la mémoire, la voix qui ne s’impose jamais,
mais qui, une fois disparue, résonne partout.

Ce chapitre est un seuil.
Un silence posé entre deux mondes.
Et peut-être…
une invitation à écouter autrement les battements du réel.

Aujourd’hui était le jour où elle mourait.
Mais rien, dans la lumière douce du matin, ne semblait l’annoncer.

Elle s’était levée comme d’habitude.
Le thé avait infusé, les tartines avaient été beurrées,
le sourire avait été sincère.

Le ciel avait cette couleur incertaine, figée entre deux saisons.
Dans la cuisine, la théière avait débordé légèrement.
Le vieux gilet bleu lui tombait toujours un peu trop long sur les poignets.
Elle riait doucement,
comme si tout cela n’était qu’un matin de plus.

Et peut-être…
l’était-ce.

Hikaru était remonté.
Il avait traversé le couloir.
Le carnet et la montre étaient toujours là,
sur le meuble,
dans cet ordre.
À l’envers pour l’un,
ouvert pour l’autre.

Il n’avait rien dit.
Juste senti.
Quelque chose.
Un écho.
Un souffle.

Et puis… il était sorti.

Le silence dans la maison s’était épaissi d’un seul coup.
Pas brusquement.
Comme une brume lente.
Une nappe invisible.

Satomi avait nettoyé la table,
rincé les bols.
Elle avait regardé le thé refroidir dans la théière.
Puis elle s’était assise.

Sur le mur, l’ombre de la rose fanée semblait s’être allongée.
La montre à gousset, dans le couloir,
continuait de battre.
Mais son tic-tac semblait étrangement décalé.
Comme si le temps glissait à côté de lui-même.

Satomi ferma les yeux un instant.
Ses mains reposèrent sur ses genoux.
Elle inspira doucement.
Pas d’effroi.
Pas de panique.
Juste une paix immense.

Sa tête s’inclina.
Ses épaules aussi.
Et tout s’effondra.
Silencieusement.

Quelques minutes plus tard, la porte s’ouvrit.

Maman ?

La voix d’Hikaru résonna dans la maison.
Pas d’écho.
Juste l’absurde tranquillité des choses finies.

Il s’approcha.
Et ce qu’il vit fit vaciller sa gorge.
Il tomba à genoux.
Ses doigts frôlèrent le poignet.
Rien.
Le thé était froid.

D’une main tremblante, il composa un numéro.

Allô ? Je… je crois que ma mère…

À cet instant précis —
une faille.

Le salon se brouilla.
Les murs s’éloignèrent.
Et l’hôpital surgit.
Mais pas celui qu’il connaissait.
Un autre.
Plus blanc.
Plus… irréel.

Une micro-dissonance.
Un décalage imperceptible.
Comme si une image superposée
prenait le pas sur la réalité.

Puis… retour.

L’opératrice parlait.
Hikaru acquiesçait.
Il récitait l’adresse.
La voix tremblait,
mais il ne pleurait pas.

Les secours mirent quelques minutes.
Pas assez pour ralentir l’inévitable.
Trop pour sauver ce qui pouvait encore l’être.

Il s’assit dans l’embrasure de la porte.
Le carnet était toujours là.
Et la montre à gousset battait encore.
Décalée.
Entêtée.

La rose, elle, avait cessé de faner.
Elle semblait figée.
Comme si elle aussi avait compris.

Hikaru ferma les yeux.
Et dans cet espace où le réel se fissure,
une voix, floue, féminine, lointaine,
murmura :

Tu as changé, Hikaru.

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