Chapitre 4 – Le carnet et la première ride

Par Hikaru
Notes de l’auteur : Il y a des chambres qu’on ne trouve qu’en ne les cherchant pas.
Des phrases qui attendent depuis longtemps d’être lues à voix basse.
Ici, quelque chose vacille. Une lumière. Une mémoire.
Ce n’est pas un adieu.
C’est peut-être un commencement.

Hikaru sortit de la maison.
Il marcha longtemps, sans vraiment regarder où il allait.

L’hôpital se dressait au bout de la rue, figé dans ce silence particulier des lieux qui n’ont pas encore commencé leur journée.
Hikaru franchit les portes automatiques.
L’odeur lui sembla familière. Trop.
Comme si elle l’attendait depuis longtemps.
Ou comme si elle revenait d’un souvenir qui ne lui appartenait pas tout à fait.

Avant de partir, il avait glissé le carnet dans sa poche.
Machinalement.
Comme on prend un objet qu’on ne veut pas oublier, sans savoir pourquoi.

Mais à peine eut-il franchi l’entrée que quelque chose vibra.

Le carnet.

Un frémissement ténu. Fugace.
Il le sentit contre lui.

Il crut d’abord à son téléphone. Une notification, peut-être.

Mais l’écran était noir.

Il fronça les sourcils.

Puis oublia.

Il monta les escaliers.

Les étages défilaient.
Un couloir s’ouvrit devant lui. Vide.
À sa gauche, une lumière pâle s’échappait d’une pièce.
Il fit un pas…
Puis s’arrêta.

Non.

Ce n’était pas le moment.

Un refus étrange, presque instinctif, retint son corps.
Quelque chose en lui résistait à cette direction.
Il tourna le dos à la lumière.

Et poursuivit.

La chambre n’avait pas de numéro apparent.
Il n’aurait su dire comment il l’avait trouvée.
Elle était là. Simplement.
Comme si elle l’attendait.

Il entra.

Sa mère dormait.
Ou semblait dormir.

Elle avait ce visage paisible, celui qu’on garde quand on a fini d’aimer sans regret.
Un rayon de lumière caressait ses traits.
L’oreiller épousait doucement la forme de sa tête.

Mais quelque chose troubla Hikaru.

Il s’approcha.

Les rides.
Celles qu’il connaissait par cœur.
Celles qui dessinaient l’histoire de Satomi, les années passées à soigner, consoler, espérer…
avaient disparu.

Sa peau était lisse.
Calme.
Comme reposée d’un poids enfin lâché.

Il s’assit à côté d’elle.

Sortit le carnet.

Et l’ouvrit.

La première page était nette.
Une phrase, écrite sans rature. D’une seule traite :

Tu n’as pas à comprendre tout de suite pour ressentir.

Il la lut à voix basse.

Le silence dans la pièce sembla se figer.
Un infime battement, suspendu.

Et soudain, une douleur sourde remonta dans sa poitrine.
Pas une angoisse.
Plutôt… un écho.

Il porta machinalement la main à son visage.

Une ride.

Fine. Nouvelle.
Juste là, sous l’œil gauche.
Comme une ligne gravée par l’émotion. Ou par le souvenir.

Il se figea.

Son regard glissa vers le carnet.

Une page suivante semblait vouloir se détacher, lentement, comme attirée par un souffle invisible.

Mais il referma le carnet.

Pas maintenant.

Il posa sa main sur celle de sa mère.

Froide.

Il ne pleura pas.
Pas encore.

Mais il comprit.

Elle n’était plus là.

Et l’hôpital, autour de lui, paraissait plus vide que jamais.

Autrefois, Satomi rendait ces murs moins gris.
Moins froids.
Elle y déposait des mots, un regard, une présence.

Aujourd’hui, quelque chose manquait.

Quelque chose d’essentiel.

Il se leva.

Jeta un regard dans le couloir.

Puis vers les étages.

Et à ce moment-là…

Une voix.
Douce.
Flottante.
Déjà entendue dans ses rêves.

Tu as changé, Hikaru.

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