Chapitre 5 - Ce que l'on tait.

Par Hikaru
Notes de l’auteur : Parfois, l'essentiel ne se voit pas, ne se dit pas.
Il se devine derrière un silence, un geste retenu, une porte entrouverte sur une mémoire ancienne.
Dans ce chapitre, j’ai voulu explorer ces moments suspendus où deux êtres se croisent sans vraiment se rencontrer, chacun porteur d’une vérité que l’autre ignore encore.
À vous de ressentir ce qui vibre doucement, derrière les apparences.

Hikaru n’avait pas dormi.

Il était resté assis toute la nuit, à côté du lit où reposait sa mère.

La lumière du matin filtrait à peine par la fenêtre de la chambre.

Les couloirs de l’hôpital demeuraient silencieux, comme retenus.

La montre à gousset continuait son tic-tac irrégulier dans sa poche.

Il l’avait glissée là sans réfléchir, après que son père la lui ait tendue.

Quelques heures plus tôt…

Un grincement.
Celui de la porte d’entrée de la maison familiale.

C’était Itsuki. 
Costume de travail.
Attaché-case en main.
Et ce regard — pressé de ne pas sentir.

Il n’avait pas pleuré.
Il n’avait même pas enlevé son manteau.
Il avait posé sa valise dans le couloir, retiré ses gants lentement,
comme s’il avait marché trop vite pour être déjà ici.

Puis il avait vu la montre à gousset, sur le meuble, là où Satomi la posait toujours.

Il s’en était saisi.
L’avait tenue dans sa paume, quelques secondes.
Ses doigts s’étaient crispés.
Puis il l’avait glissée dans sa poche.

Il n’avait pas vu le carnet — Hikaru l’avait déjà pris avec lui.

Il avait regardé autour de lui.
Le silence de la maison lui était insupportable.
Pas parce qu’il était inhabituel.
Mais parce qu’il était complet.

Il était reparti.
Sans un mot.

À l’hôpital, l’horloge indiquait 7h04.

Hikaru ne savait pas à quoi s’attendre.
Cela faisait des mois qu’il n’avait pas vu son père.
Il n’y avait jamais eu de cris, ni de grandes disputes.
Juste une distance chronique.

Itsuki parlait peu. Trop peu.
Et son regard fuyait toujours un peu trop vite les vérités.

Satomi comblait ce vide par sa tendresse.
Aujourd’hui, elle n’était plus là.
Et lui revenait.

La porte s’ouvrit.

Itsuki entra.
Il ne regarda pas son fils immédiatement.
Il avança lentement jusqu’au pied du lit.

Le visage de Satomi semblait paisible.
Trop paisible pour être réel.

Itsuki ne pleura pas.
Mais ses mains tremblaient légèrement.

Il sortit la montre de sa poche.

— Je… je ne veux plus de ça, dit-il simplement, en la tendant à Hikaru.

Son fils le regarda.
Il prit la montre.

Leur échange fut bref.
Sec. Étrangement intime.
Comme si, pour une fois, quelque chose passait sans mots.

Itsuki resta encore un moment.
Puis il recula.

— Je vais m’occuper des papiers, dit-il.

Il sortit.

Hikaru entendit ses pas s’éloigner.
Puis, un arrêt brutal.
Un souffle.
Un sanglot étouffé par l’épaisseur du silence.

Hikaru ouvrit la porte doucement.
Le couloir était vide.

Mais l’air portait encore un écho,
un chagrin abandonné en chemin.

Il referma la porte.

Sa main se crispa légèrement.

La montre s’était refermée.
Il ne l’avait pas voulu.

Il la contempla un instant.

Puis, comme animée d’un regret,
elle se rouvrit lentement,
avec ce même tic-tac,
ce rythme inégal,
ce temps incertain.

Une image surgit soudain : un souvenir.

Satomi tenant Hikaru enfant par la main, sur le seuil de la porte,
regardant Itsuki partir au loin, dans le matin brumeux, pour son travail.
Aucun d’eux ne disait rien.
Aucun n’osait.

Hikaru serra la montre un peu plus fort.

Son père avait fini par pleurer, hors de vue.
Il avait accepté la douleur pour pouvoir avancer.

Lui, Hikaru, n’avait pas versé une seule larme.
Il n’avait pas accepté.
Et dans cette solitude absolue,
il comprit qu’il était désormais le seul à porter le silence.

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